L’Antiquité
Jusqu’à un passé récent l’histoire du village nous semblait relativement jeune comparée aux villages voisins. On datait la création de la commune du temps des châteaux forts (nom en -burg et forteresse en pierre présente au XIIIème siècle), évacuant un peu trop vite le fait que Steinbourg était entré dans l’histoire sous une autre appellation, celle de Steingewircke, en 1120, dans la comptabilité de l’abbaye d’Andlau, « villa Steingewirke ad proprietatem S. Petri et Richardis in Andelohe pertinens » (E. Herr, dans « Bemerkenswertes Mittelalter, Schenckungen 1908, p. 74). A. FUCHS en 1898, dans « Die Ortsnamen des Kreises Zabern », a, le premier, mis en évidence que le terme wircki était d’obédience franque, signifiant en francique installations défensives au pluriel.
Le Haut
Moyen-Âge
Vers 640, afin d’assurer la sécurité sur le Rhin, le roi d’Austrasie fonde à des fins militaires le duché d’Alsace attribué au duc Gondoin, puis Boniface et enfin Etichon ou Adalric, père de Sainte Odile, qui fonde la dynastie des Etichonides (son fils Adalbert et petit-fils Liutfrid lui succéderont comme duc).
Le texte central d’où découle l’analyse des chapitres suivants date du 4 mars 828 dans un acte officiel établi au palais impérial d’Aix-la-Chapelle :
« Dederunt igitur Erkingarius comes, ac gentrix et germani sui Rotdrudis, Vuoradus, Bernaldus et Bernardus in pago Alsacinse in villa, vel marka Erbildisvillare, in loco qui appellatur Zinzila (la Zinsel), mansos decem et septem, et prata ad carratas quinquaginta, et de vinea aripennos quatuor Waldo abbas monasterii quod vocatur Svarzhaha » « (Regesta Imperii RI I 1 n. 849).
de 1120 à 1650
Au XIVème siècle on trouve successivement mention de Steingewircke (1306), Steingewirke (1386) et Steinwirke (1390), mais aussi de Steingewurck (1395) et Steingewürcke (1397) dans divers registres de l’abbaye, dont la majorité fut malheureusement perdue lors de la Révolution de 1789.
Andlau, y possédait les droits ecclésiastiques (droit aux armoiries sur les vitraux de l’église, Ste Richarde y figure toujours), le droit de percevoir la dîme (3*), le droit de patronage (4*), le droit de rendre justice (un Schultheiss y résidait en permanence) et une importante cour domaniale (5*), en sus d’une servitude très rare, le droit de grenouillage (6*). Le château était leur (« petite forteresse entourée de fossés et de courtines ») de même que le verger attenant et les moulins de la Zorn (un de ces moulins dit « Schnellenmühle » est peut-être à l’origine du surnom donné aux Steinbourgeois, d’Schneller).
De 1650 à 1870
Le village sera repeuplé après la guerre par des colons suisses, en proie dans leur pays à une crise économique. Le premier document retrouvé à ce sujet (qui n’existe plus, détruit lors du bombardement par les Prussiens de la bibliothèque de Strasbourg en 1870) est un mémoire du comté de Hanau-Lichtenberg au ministre Colbert, affirmant que le gouvernement français envoya des hérauts et des trompettes dans les pays voisins, invitant les étrangers à venir s’établir chez eux en leur promettant l’exemption des impôts pendant une certaine période, une maison et autant de terres qu’ils seraient en état de labourer. Le défrichement des terres d’Alsace sera réglé par l’ordonnance du roi de novembre 1662 : les habitants originaires des pays d’Alsace qui s’en sont retirés à l’occasion de la guerre avaient trois mois pour présenter leurs titres de propriété, de venir habiter et cultiver lesdites propriétés, sans quoi ils seraient privés à perpétuité de tous les droits qu’ils y pouvaient prétendre.
De 1870 à 1945
Quand Napoléon III déclare la guerre à ce qui n’est pas encore l’Allemagne, la crainte s’empare des Alsaciens exposés aux avant-postes. Le 4 août, 40.000 Prussiens bousculent les lignes françaises à Wissembourg seulement défendue par 5.000 hommes. L’armée française se repositionne à Woerth et Froeschwiller, mais le rapport de force trop inégal (126.000 Allemands et 320 canons contre 46.000 hommes et 120 pièces d’artillerie) sonne le glas des espoirs français le 6 août. Le grondement des canons qu’on entendait jusqu’à Saverne cesse. Le maréchal Mac-Mahon doit sacrifier ses prestigieux régiments cuirassés qui n’avaient jamais connu la défaite pour éviter d’être pris en tenaille et protéger la retraite de son armée vers Niederbronn et Bouxwiller. Les habitants de la région ne savaient pas ce qui se passait, n’entendant que les canons au loin, mais imaginaient déjà le pire.
Epilogue
La grande Histoire à travers le prisme local, un exercice qui mena à cette monographie sur Steinbourg avec une personnalisation de plus en plus marquée au fil des événements. Nous avons vu que tant que les relations temps-espace se mesuraient à l’échelle terrestre notre commune placée sur un axe routier stratégique fut sous les feux de l’actualité, au propre et au figuré car ce rôle s’accompagna souvent de drames humains. Plusieurs césures de l’histoire alsacienne, guerre de Trente Ans, guerre de 1870, incorporation de force en 1942, s’analysent sous une perspective locale. La personnalité marquée des Steinbourgeois en est une conséquence, la longue habitude qu’ils ont des catastrophes a abouti à créer en eux un certain particularisme qui trouva son paroxysme lors de la dernière guerre. Sous la botte prussienne le paysan Malix insultant les autorités ou Tjannes Michel implorant Saint Michel dans ses prières afin que les Allemands quittent l’Alsace (témoignage), la participation de plusieurs Steinbourgeois à l’affaire de Saverne de 1913 ou la scène suivante qui date de novembre 1918 en disent long. Un officier français revenant de captivité croise la route du vieil Anstett, qui lui demande s’il n’accepterait pas de l’accompagner sur la tombe du dénommé Holder Antoine décédé en 1911. Fidèle à une promesse qu’il avait faite en son temps le vieil homme frappe la tombe trois fois de son pied et clame : « Antoine, les Français sont là, nous sommes délivrés et les Prussiens chassés ! » L’officier au garde à vous, les larmes à l’œil, publiera plus tard un article dans le Matin intitulé « Les patriotes alsaciens et la France » où il relata cet épisode.
Annexes
Après la guerre de Trente Ans les campagnes sont vides d’hommes et en friches. Louis XIV en 1662 publie une ordonnance qui donne 3 mois aux habitants des terres d’Alsace pour présenter leurs titres de propriété, de venir et habiter et cultiver lesdites terres, sans quoi celles-ci reviendraient à ceux qui les mettraient en culture. L’année suivante l’évêque de Strasbourg met en application ces directives et décide que les biens de ses nombreux villages seront partagés entre les immigrants, de surcroît exemptés de toutes corvées ou impôts pendant six ans. Il autorise le prélèvement gratuit de bois dans ses forêts pour la reconstruction des maisons. Les premières familles installées en profitent. 16 familles suisse les rejoignent de 1164 à 1672. C’est une population jeune, d’horizons divers, qui remet brillamment les cultures sur pied en moins d’une génération.